Dès leur premier souffle, l’homme et la femme explorent le charivari de la vie : ses sensations, ses beautés, ses lois organiques, son spectre des possibles, ses constructions…
Mus par l’impératif de satisfaire leurs besoins vitaux, ils usent de leurs cinq sens, engrangent expériences et explorent l’altérité avec curiosité et jubilation.
Où cette longue marche les conduira-t-elle? Conscients de leur vulnérabilité, ils se construisent l’un par-rapport à l’autre, l’équation de leur survie ne tenant -peut-être- qu’à un seul facteur: leur amour pour assurer l’avenir.
Et aujourd’hui ? Les contraintes communautaires ne nous ont-elles pas obligés à nous conformer à une représentation convenue de nous-mêmes ? Les sentiments s’en trouvent-ils de plus en plus normalisés ? Ecoutons-nous encore nos sens? Est-ce un problème de vouloir être « bêtement » heureux?
Essentiellement visuelle et chorégraphique, la pièce s’offre au public comme on partage l’intime de chacun et dévoile cette part non-civilisée, imprévisible, brute, belle et mystérieuse de notre nature humaine…
« Vivre » est un jaillissement de la pulsion vitale, un geyser d’étonnements et de tendresse à l’adresse de la vie.

A PROPOS DE « VIVRE »
Explorant le cheminement de la conscience humaine des origines à aujourd’hui, « Vivre » pose la question du sens de l’existence, de la relation à l’autre et des sentiments. Les émotions, la relation à l’autre, les sentiments et l’intelligence apparaissent comme les fils directeurs de la pièce.
« Vivre » offre une visibilité charnelle à son propos. Les corps en mouvement suffisent, par leur capacité d’expression, à générer de la beauté et des émotions ainsi qu’à rendre intelligible le sens de la pièce. Ainsi le texte devient-il des plus concis, n’apparaissant que pour une raison d’accélération temporelle, créant un pont entre l’« avant» et le « maintenant» et, suggérant par une suite de mots comme autant d’images feuilletées, les multiples étapes franchies par l’humanité.
C’est à l’aube des temps que le spectacle débute. Il évoque d’abord ce temps où la vie n’a pas conscience d’elle-même et où le lien avec l’autre est dû au hasard des forces en présence.
Puis retrace ces temps successifs où :
– vivre s’accompagne essentiellement d’attitudes animales instinctives et répétées, nécessitées par les fonctions vitales,
– vivre induit la conscience de soi, de son individualité et de sa solitude fondamentale,
– vivre impose de s’unir pour mieux se défendre contre les éléments hostiles.
L’homme et la femme usent de leurs cinq sens pour découvrir leur environnement et s’appréhender mutuellement: ils se regardent, se respirent, se touchent, se goûtent, s’écoutent. Autant de manières de développer leur cerveau en engrangeant expériences et observations, d’établir une communication et de construire ainsi une relation .
On peut imaginer ce lien originel plus intense parce que dégagé de toute contingence, de règles sociales et de soumission à une norme.
Et aujourd’hui, notre nature profonde a-t-elle la moindre chance d’être perçue et comprise?
Si la pièce est une fiction basée sur des éléments avérés du réel, elle ne se veut en aucun cas un documentaire qui soutiendrait un propos pédagogique de vulgarisation scientifique sur l’évolution des espèces.
Plus qu’une histoire narrative (avec un début, un milieu et une fin), l’objet de la pièce qui se structure à partir d’improvisations sous la direction de Thierry Sirou est d’opérer des saisies de perceptions, des explorations de situations existentielles, qui nous confrontent à l’indicible.
« L’objet de la démarche artistique est avant tout d’essayer de se rapprocher de ce que nous ne pouvons pas dire. » – Patrick Chamoiseau
NOTES D’INTENTION
Du « deux », de la dualité de deux mondes distincts mais néanmoins indissociables, le Masculin et le Féminin, nait une multiplicité des possibles et la véritable altérité.
« Aller à la rencontrer de l’autre, c’est avoir l’idée de l’infini. C’est avoir la pensée de ce que l’on ne peut pas penser. » – Emmanuel Lévinas
C’est donc autour de cette double polarité – homme/femme – que la pièce se construit accompagnant les successives transformations de ces deux êtres.
Ce qui est beau et intéressant, voire émouvant dans l’élaboration de ce spectacle, c’est de rendre brut ce qui l’était originellement et qui, quoique « oublié » par des milliers d’années d’évolution ou de morale, resurgit. Donner une chair à cette part non-civilisée de notre nature humaine amène à déstructurer et modeler les corps et à les rendre capables de découvrir et d’emmagasiner des expériences tous azimuts, ouvertes à mille vents.
UN HOMME, UNE FEMME….
Il y a des milliers d’années, d’abord, où l’on voit le ventre de la femme se gonfler en calebasse de pleine lune et où elle prononce ses premiers mots (« maison » désignant le cocon familial…) ; elle « couve ». L’œuf, signifié scéniquement par une calebasse, représente la puissance créatrice et la capacité à donner la vie que porte en sa chair la femme. Renfermant dans sa coquille les éléments vitaux, il symbolise le germe et la pulsion vitale appelée à se développer si la femme lui transmet sa chaleur.
La femme est prise d’une crise de panique lorsqu’un oiseau prédateur lui dérobe son œuf. Un sentiment fou de vide l’emporte. Consciente qu’elle s’apprête à transmettre la vie, cet arrachement provoque en elle une déchirure indescriptible. Endurant un vrai séisme, ses capacités psychiques sont altérées; elle ne peut y répondre que par un déchaînement convulsif que seul son compagnon est en mesure de soulager. Sans autre langage que les sons et une gestuelle qu’il module au gré de l’histoire qu’il narre à la femme, il explique son combat avec l’oiseau qui a voulu leur dérober l’œuf. Il lui transmet sa vision, à la manière d’un conteur sans mots. Son corps restitue l’amplitude du vol de l’oiseau, le combat mené pour protéger l’œuf, la mort du prédateur et la restitution de l’œuf à la femme … Enfin, elle s’apaise.
Puis de nos jours, à l’heure du contrôle des naissances, des loisirs et du développement personnel, où l’on représente un couple qui s’interroge sur son envie de transmettre la vie et que l’on voit débordé, une fois le bébé arrivé, par le tempo qu’impose un nourrisson.
Les repères habituels, les fonctionnements au sein même du couple, les rôles généralement répartis sont bousculés par la venue de l’enfant ; l’enfant est «prioritaire» en tout et pour tout. Il est chronophage, dévoreur d’énergie et de sommeil et l’on ne saurait évidemment lui en vouloir !
Il était fort tentant et cocasse de montrer ce couple confronté à cette réalité quotidienne, à sa routine et à l’envie des parents de s’y soustraire en dépit de toute leur bonne volonté!
De cette situation que l’on pourrait qualifier d’ « ordinaire » surgit pourtant un nœud, un problème beaucoup moins anodin qu’il n’y paraît à première vue.
Un problème existentiel malmène ces parents : « Qui suis-je? Quelle est ma part de responsabilité face à cet enfant? L’enfant n’est-il pas en train de me repousser vers les frontières de la mort? Cet enfant, c’est un prolongement de moi ou un corps étranger?, …»
L’UNIVERS SONORE
Les musiques choisies dans « Vivre » sont nombreuses et de sources très diversifiées (compositeurs contemporains, musiques arborigènes,…) même si Thierry Sirou s’est attaché à une cohérence et les a sélectionnées soit avant d’entreprendre le travail soit pendant, en fonction de sa progression.
Il arrive au demeurant que des coïncidences ressemblent à des cadeaux ! Thierry Sirou a fixé son attention sur une musique entendue par hasard, à la radio, à un moment précisément où d’aucun ne savait plus trop comment orienter la pièce. Il s’agissait de « Cold Song », extrait du Roi Arthur de Henry Purcell, interprété par Andréas Scholl. Ce chant, si fragile et si vulnérable, a restimulé l’imagination de chacun, permettant de repartir sur un chemin pertinent.
En écho à la sublime lamentation de ce personnage qui se retire du monde en se couvrant de neige, ils ont calqué cette image pour exprimer le désarroi du personnage masculin devant son enfant: le père décide de s’isoler et refuse de poursuivre plus avant l’aventure avec sa compagne et son enfant.
« Vivre » n’a rien de désespéré pour autant! Un spectacle autorise des bascules poétiques et d’ailleurs, comme dans la vie, tout est question d’éclairage et d’angle si bien que tout peut, soudain, apparaître merveilleusement léger et décalé.
Cette légèreté, c’est aussi le lien affectueux qui se tisse finalement entre les trois (l’homme, la femme et l’enfant). L’amour de la femme pour son compagnon réussit à lui insuffler l’envie de regarder son enfant. De «mâle», il devient homme et de «géniteur », il devient père. C’est le début d’une nouvelle histoire qui commence et que chacun, dans le public, pourra s’inventer et se réapproprier.
« La vie nous expose à toutes sortes de questionnements, à une multitude d’expériences auxquelles chacun apporte la réponse qui lui sied et que je ne saurais, en aucun cas, juger. Peut-être que la seule exigence de la vie est que l’on doive la traverser et en jouir comme, sans doute, elle le mérite.
En ce qui concerne le dénouement de « Vivre », aucune intention n’a interféré ; c’est comme si la pièce avait disposé de sa propre respiration et c’est plutôt elle qui, une fois que nous lui avions érigé sa colonne vertébrale, a été capable de nous porter et de nous guider, comme si elle nous demandait de l’écouter.
De ce point de vue-là, c’était pour tous une expérience plutôt inattendue. Et, comme dans la vie ou dans le travail mené, je souhaiterais que le spectacle constitue pour le public un réel étonnement et une lame de fond qui cueille chacun au plus intime et au plus sincère de lui-même. » – Thierry Sirou
CONCEPTION & MISE EN SCÈNE
LA DÉMARCHE DE TRAVAIL
L’interprétation étant confiée à Jean l’Océan et à Laurence Couzinet-Letchimy, il a semblé évident à Thierry Sirou de partir de cette matière idéale , faite de chair et d’os, que sont un homme et une femme qui, au demeurant, sont mari et femme dans la vie.
Les deux interprètes, en quête de simplicité, ont puisé dans les tréfonds de leur inconscient afin d’obtenir une matière brute et lisible, source de vie et de légèreté. Ensemble, les trois artistes ont fouillé et construit des scènes, comme autant d’histoires possibles faites de mues successives.
Partant de consignes simples et d’orientations diverses, les comédiens ont réinventé progressivement leur manière d’être au monde; travaillant sur la genèse de la vie et la quête de leur humanité, ils ont tenté de se délester du bagage et de la technicité qui les ont construits comme personnes et comme artistes.
Laurence Couzinet-Letchimy, danseuse et Jean l’Océan, conteur, ont tenté d’ «oublier» leur mode d’expression familier et leur savoir-faire pour explorer le plus honnêtement possible les directives de travail. Dès lors, Thierry Sirou a pu orienter la charge émotionnelle libérée, se servir des échappées comme autant de pistes possibles pour créer la pièce.
L’excellente connaissance qu’ont les deux interprètes l’un de l’autre a constitué un facteur très favorisant ; ils ont pu laisser vivre leur nature en confiance.
Ce faisant, c’est leur « clown » qui, par moments, a pris le dessus avec une puissance tout autant poétique que comique.
La mise en lumières de « Vivre », confiée à Sébastien Arribas, fait l’objet d’un soin très particulier, non pas seulement pour illustrer le propos ou mettre en valeur les artistes mais parce qu’elle dit, en d’infimes variations, l’aube et le crépuscule, « le premier jour » évoqué dans la genèse, l’expérience et la quête de l’homme.
« Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière » – Victor Hugo
DÉCOR
A l’instar du dépouillement originel, c’est assez spontanément que la mise en scène s’est structurée sur l’essentiel : pas de décor dans «Vivre » et très peu d’accessoires ; simple étoffe blanche, calebasse, longue chevelure, chaussettes brodées sont réinvestis en de multiples fonctions et offrent des images suggestives et significatives.
PRESSE
Critique Madinin’Art : « Vivre », dans le sillage de la Compagnie Car’Avan
Lien Mondes francophones.com: https://mondesfrancophones.com/tag/laurence-couzinet-letchimy/
DOSSIER DE PRESSE sur demande